
Soyez attentifs, vous qui dominez les foules, qui vous vantez de la multitude de vos peuples.
Car la domination vous a été donnée par le Seigneur, et le pouvoir, par le Très-Haut, lui qui examinera votre conduite et scrutera vos intentions.
En effet, vous êtes les ministres de sa royauté ; si donc vous n’avez pas rendu la justice avec droiture, ni observé la Loi, ni vécu selon les intentions de Dieu, il fondra sur vous, terrifiant et rapide, car un jugement implacable s’exerce sur les grands ; au petit, par pitié, on pardonne, mais les puissants seront jugés avec puissance.
Le Maître de l’univers ne reculera devant personne, la grandeur ne lui en impose pas ; car les petits comme les grands, c’est lui qui les a faits : il prend soin de tous pareillement.
Les puissants seront soumis à une enquête rigoureuse.
C’est donc pour vous, souverains, que je parle, afin que vous appreniez la sagesse et que vous évitiez la chute,
car ceux qui observent saintement les lois saintes seront reconnus saints, et ceux qui s’en instruisent y trouveront leur défense.
Recherchez mes paroles, désirez-les ; elles feront votre éducation.
Sagesse 6,2-11
Textes liturgiques©AELF
Puissance et pertinence du Livre de la Sagesse, l’un de mes préférés dans l’Ancien Testament !
Dieu ne s’y montre pas un Dieu de la molle mansuétude, ce Dieu que la théologie contemporaine nous présente trop souvent comme un simple passeur d’éponge sur toutes les fautes quelles qu’elles soient.
J’étais toujours passablement agacée quand j’entendais feu le pape François déclarer :
“Dieu pardonne tout, absolument tout !”
C’est aller un peu vite en besogne !
Je crois au contraire qu’il convient de mettre quelques bémols à cette affirmation : celui de la contrition nécessaire au pardon pour commencer, et encore celui de la responsabilité dans la faute, de la transgression en toute connaissance de cause, avec les conséquences qu’elle peut avoir sur autrui à petite ou très grande échelle.
Et j’ajoute que ne puis croire que le Nouveau Testament ait abrogé l’Ancien, que Jésus soit venu prêcher une autre justice que celle des Prophètes et des Sages de l’Ecriture à laquelle il se référait lui-même sans cesse.
Prenons donc les versets ci-dessous au sérieux :
Au petit, par pitié, on pardonne, mais les puissants seront jugés avec puissance.
Comment passer sous silence un tel enseignement ?
Il est pourtant évident qu’entre un humble, habituellement observant des commandements divins, qui a péché de temps en temps, par exemple en ne rendant pas autour de lui les services qu’il aurait pu rendre, et un puissant qui a détourné des fonds importants à des fins personnelles, lésant le pauvre et discréditant la confiance que le peuple avait placée en lui, il y a une différence évidente, que Dieu, Lui, ne prendrait pas en considération ? L’actualité politique nous en a donné ces derniers mois des exemples criants…
Deux poids, deux mesures, c’est une logique humaine et non divine !
Pour moi, j’accueille cet extrait de la Sagesse pour ce qu’il nous enseigne concrètement. Le Christ nous l’a dit expressément lui aussi :
À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage.
(Luc 12, 48)
J’ajoute encore que j’ai d’autant plus de mal à comprendre que l’Eglise catholique canonise avec une telle promptitude et facilité ses papes, qui ont certes observé les lois de Dieu dans leur ensemble, mais ont néanmoins été des chefs d’état recevant tous les puissants de ce monde bien davantage que les pauvres et les petits, qui ont bénéficié durant leur pontificat de tous les honneurs possibles partout où ils se sont rendus, qui n’ont pas connu la précarité d’une existence pauvre, laborieuse et cachée, et enfin qui ont pu commettre des fautes considérables par omission – je n’ose penser par intention ! – ne faisant rien par exemple, par le passé récent, pour empêcher ou ne pas orchestrer l’omerta de l’institution ecclésiale au sujet des abus de toutes sortes. Ils y avaient pourtant tous les pouvoirs !
Vraiment, je trouve qu’il y a lieu de méditer ce texte de la Sagesse donné à la liturgie d’aujourd’hui, et d’autant plus quand on jouit d’une situation de pouvoir sur la vie d’autrui, que ce soit un pouvoir hiérarchique au travail, politique ou religieux.
Image : Les grands Soutiens du monde (Détail : La justice) Bronze de Bartholdi, Colmar