
Ce jour-là, le Seigneur, Dieu de l’univers, préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés.
Il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples et le linceul qui couvrait toutes les nations.
Il détruira la mort pour toujours. Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple ; c’est lui qui l’a promis.
Et ce jour-là, on dira : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! »
Car la main du Seigneur reposera sur cette montagne.
Isaïe 25, 6-10 a
Vision d’espérance à laquelle nous raccrocher en ces temps troublés par toutes sortes de maux !
Je voudrais souligner la deuxième phrase :
“Il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples et le linceul qui couvrait toutes les nations.”
Je constate depuis très longtemps que deux visions du salut s’opposent : il y a ceux qui s’en tiennent à la lettre du Nouveau Testament, et affirment que seuls les chrétiens seront sauvés, et d’autres qui conçoivent un salut plus universel, pouvant toucher les non-chrétiens qui seraient, eux, à terme, justifiés par leurs œuvres, pour avoir vécu les valeurs de l’Evangile, sans même forcément en avoir été conscients !
Il y a aussi ceux qui affirment que la miséricorde de Dieu touchera tout homme, quelles que soient ses œuvres et parfois même sa foi, car le salut est offert une fois pour toutes en Jésus-Christ.
Je défends depuis longtemps une position un peu intermédiaire :
Que le baptême ne soit ni un sine qua non, ni une garantie absolue de salut totalement déconnectée de nos œuvres, voilà vers quoi tend ma foi.
Je prends souvent un simple exemple : Hitler désormais en paradis parce qu’il était baptisé, et Anne Frank privée de salut parce qu’elle était juive ? Qui pourrait sans honte au visage tenir pareil raisonnement ?
Nous devons demeurer attentifs au fait de ne pas considérer le baptême comme un sacrement qui nous garantirait, comme par magie, le salut. Chacun sait très bien que de toute éternité, Dieu a honni la magie. Il n’a certes pas permis le recours aux sacrements comme une manière plus “religieusement correcte” de nous acquérir des grâces automatiques !
Ainsi du baptême et même de tous les autres sacrements catholiques : ni la confirmation, ni le sacrement de l’ordre ne peuvent garantir une onction de l’Esprit Saint exceptionnelle qui confèrerait aussitôt voire à vie une supériorité quelconque sur autrui en matière de discernement spirituel. Tout au plus ces sacrements sont-ils le signe d’une allégeance plus marquée à la doctrine d’une Eglise à laquelle on a fait le choix public d’appartenir. Tous en effet, nous connaissons des confirmés et des ordonnés qui se comportent parfois en parfaits contre-témoins à l’Evangile !
Dieu, dans sa grande liberté souveraine, se donne à qui Il veut, quand Il veut et comme Il veut.
Les sacrements nous sont signes et aides dans la foi, mais ne sauraient contraindre Dieu à nous envoyer “prophétiser” en son Nom et surtout pas à nous permettre un ascendant sur autrui !
Tous les Prophètes du Premier Testament témoignent d’une élection aléatoire et inattendue ne relevant que de la Volonté de l’Eternel, déconnectée des dignités religieuses, mais de ce fait d’une formidable exigence : Jérémie par exemple aura beau protester de sa jeunesse, de son inexpérience et de sa prévisible illégitimité aux yeux des hommes, c’est lui l’élu de Dieu à ce moment-là de la Révélation, et aucun autre “prophète” se considérant comme plus légitime que lui ! Et Jérémie ne pourra désormais, tout comme Jonas, se dérober à sa redoutable mission.
Alors, en ces temps où l’Eglise a tant démérité à travers de multiples scandales, je pense vraiment que Dieu préfère enseigner et envoyer qui Lui veut pour révéler sa Volonté présente. Il n’a jamais été inféodé à quelque institution religieuse que ce soit !
Laquelle oserait se prétendre propriétaire exclusive de la grâce, et en mesure de la dispenser selon son charisme propre, sans tenir compte des choix et prédilections du Très-Haut ? Le supposé “discernement ecclésial des vocations” a bon dos !
Quand je vois qui devient prêtre ces dernières années en France, et dans quelles communautés et quelles tendances idéologiques ils prospèrent, je doute franchement d’un “appel de Dieu” sur eux.
Prenons garde à ne pas confondre appel opportuniste d’une Eglise en perte de vitesse, et vocation divine ! Voilà ce que je tenais à dire aujourd’hui au sujet des sacrements et de leurs limites.
Dans cet extrait d’Isaïe, qui parle d’un temps à venir, Dieu promet en outre d’effacer l’humiliation de son peuple.
Or son peuple élu depuis les origines de la Révélation est bien le peuple juif, celui dans lequel est née Marie, celui dans lequel Jésus a grandi et approfondi sa foi. Et Dieu ne peut se renier lui-même. Il ne peut retirer à un peuple la bénédiction dont il l’a comblé depuis Abraham. Même si ce peuple se laisse diriger sur terre par des gouvernants indignes et sans scrupules. Même si ce peuple se laisse aller au mal, comme il l’a déjà fait à travers toute l’histoire biblique.
En outre, que ce peuple n’ait pas dans son entièreté accueilli le Fils de Dieu comme Messie est un autre problème.
Le peuple juif attendait un Messie glorieux, et n’a pas su reconnaître un Messie crucifié. Mais il saura bien reconnaître ce même Messie quand il reviendra dans sa Gloire, puisque le peuple juif a au moins, en principe, le mérite de l’attendre, certainement bien mieux que la plupart des chrétiens, qui murmurent du bout des lèvres à la messe ou au culte des paroles auxquelles ils ne croient même pas :
“Il reviendra dans la Gloire, pour juger les vivants et les morts, et son règne n’autre pas de fin.” (Credo).
Qui y croit fermement ? Je pose la question.
Et là je parle de pratiquants, alors qu’en est-il de bien d’autres baptisés qui souvent, ne croient même pas en la résurrection du Christ ? 2000 ans de retard sur la Révélation…
Je m’arrête encore à un autre passage : “Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages”, et là, je pense aussitôt aux béatitudes : “Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés”. (Matthieu 5, 5)
Encore faut-il pleurer, pour être consolé !
On me reproche parfois d’être dure dans mes commentaires, on m’a même souvent accusée d’être mauvaise chrétienne, n’ayant pas l’amour des ennemis.
Mais il faudrait connaître mon cœur profond avant de me juger.
Dieu m’a donné un cœur de compassion pour celles et ceux qui pleurent, et en particulier pour mes sœurs en humanité, celles qui souffrent depuis la nuit des temps de tant de haine et de la violence qui se déchaîne sur le monde, et sur elles en particulier.
Je ne puis demeurer indifférente aux fillettes, aux femmes qui souffrent de ne pas être respectées dans leur corps et dans leur âme, de toutes les injustices qu’elles subissent de par le monde en matière d’accès à l’éducation, de liberté d’aller et venir seules, de faire des études et de vivre de manière autonome de leur profession… Défaut de prise en compte également de leurs points de vue, de reconnaissance de leur spiritualité souvent plus naturelle, plus spontanée et plus confiante que celle des hommes, et ce quelle que soit leur religion d’appartenance.
Je ne puis excuser qu’on les soumette encore de nos jours aux hommes, père, frère, mari, au prétexte que telle serait la volonté de Dieu.
Dans l’ordre de la création, le Père n’a certainement voulu qu’une seule chose : les protéger de la brutalité des hommes, piqués au vif dans leur orgueil, quand ils sont amenés à comprendre qu’ils sont bien plus naturellement enclins au péché qu’elles ! Une femme qui tait ces évidences, qui se comporte en créature humble et soumise dans sa famille et dans son couple, une telle femme permet à un homme d’être conforté dans son illusion de supériorité sur elle. On va dire qu’alors, leur couple a plus de chances de durer. Peut-être, mais à quel prix ! Que de renoncements et d’humiliations nécessaires pour ne pas froisser l’orgueil et le désir de domination d’un homme élevé dans la certitude de sa supériorité sur l’autre genre !
Je constate avec effroi et inquiétude les progrès actuels de l’idéologie masculiniste, notamment dans certaines sphères religieuses. Femmes, entrez en résistance ! Ne vous laissez plus dicter ce que vous êtes et comment vous devez vous comporter ! Ne vous laissez plus envahir de culpabilité et d’injonctions à la soumission ! Ne soyez plus les proies passives de vos persécuteurs !
Le Dieu auquel je crois est un Dieu qui essuiera toutes larmes des yeux de celles qui sont noyées de chagrin quand le mal est vraiment allé trop loin sur elles et autour d’elles, et qui, quand Il en décidera, manifestera sa justice supérieure à tout précepte humain.
Alors oui, les visages des persécutées rayonneront de la consolation divine. Et pour toujours.
Image : 8ème station: Jésus console les femmes de Jérusalem Brigitte Balon
2 commentaires
Véronique, c’est avec une très grande attention et une immense satisfaction, que j’ai lu, hier soir, ton commentaire de Isaïe 25, 6-10a.
Il est très bien fait, parfaitement adapté à la situation et me montre que, comme moi, nos échanges d’ il y a quelques jours sur le forum, te conduisent à réfléchir,
Qu’on ne parle pas sans nous écouter l’un l‘autre, comme on l’a dit……
Comme toi, je me range, sans la moindre hésitation, au milieu,
car je ne suis absolument pas dans la catégorie de « ceux qui affirment que la miséricorde de Dieu touchera tout homme, quelles que soient ses oeuvres et sa foi, car le salut est offert une fois pour toutes en Jésus-Christ. » ;
Il y a deux choses dans ce que j’ ai dit qui peuvent porter à confusion :
– le fait que j’aie évoqué les cours de catéchisme de mon enfance, à partir de 7 ans ( il y a 78 ans), où j’ apprenais déjà que , pour que l’on fasse un péché mortel , il fallait que :
. que l’ acte soit d’une telle gravité qu’il séparait de Dieu,
. qu’on est conscience de cette gravité,
. et qu’on consente à le faire quand même en sachant qu’on se sépare de Dieu.
Aussi, si quelqu’un n’a pas la conscience de cette gravité, il ne peut être jugé responsable du mal.
Et sur ces points, je me réfère à la Déclaration Dignitatis humanae de Vatican II
« C’est un des points principaux de la doctrine catholique, contenu dans la Parole de Dieu et constamment enseigné par les Pères [7], que la réponse de foi donnée par l’homme à Dieu doit être libre ; en conséquence, personne ne doit être contraint à embrasser la foi malgré lui [8]. Par sa nature même, en effet, l’acte de foi a un caractère volontaire puisque l’homme, racheté par le Christ Sauveur et appelé par Jésus Christ à l’adoption filiale [9] , ne peut adhérer au Dieu révélé, que si, attiré par le Père [10], il met raisonnablement et librement sa foi en Dieu »(Dignbitatis Humanae, 10
« Dieu, certes, appelle l’homme à le servir en esprit et en vérité ; si cet appel oblige l’homme en conscience, il ne le contraint donc pas. Dieu, en effet, tient compte de la dignité de la personne humaine qu’il a lui-même créée et qui doit se conduire selon son propre jugement et jouir de sa liberté. ».
« Avec courage, ils ( les apôtres) annonçaient à tous le dessein de Dieu Sauveur « qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4) ; mais en même temps, vis-à-vis des faibles, même vivant dans l’erreur, leur attitude était faite de respect, manifestant ainsi comment « chacun d’entre nous rendra compte à Dieu pour soi-même » (Rm 14, 12) [23] , et, pour autant, est tenu d’obéir à sa propre conscience ».( Dignitatis Huimanae, 11)
– le fait que j’aie évoqué l’ Amour Miséricordieux du Père.
Comme tu le sais, depuis l’ âge de 13 ans, toute ma vie spirituelle est fondée sur la petite voie d’ enfance de la « petite Thérèse » ( nom qu elle a voulu qu’on lui donne après sa mort)
« En la fête de la Trinité 1895, Thérèse, «afin de vivre dans un acte de parfait amour», s’offre «comme victime d’holocauste à l’Amour miséricordieux» de Dieu.
La conscience accrue de la miséricorde de Dieu est un aspect essentiel de la petite voie, découverte fin 1894, par Thérèse. À peine a t-elle réalisé qu’en restant petite elle peut devenir sainte, qu’elle s’écrie : « O mon Dieu, vous avez dépassé mon attente et moi je veux chanter vos miséricordes »
Elle a compris que la miséricorde de Dieu est particulièrement grande pour ceux qui se savent faibles, imparfaits et qui comptent sur lui Ce mot miséricorde, qui était jusqu’alors assez rare dans ses écrits, vient maintenant au premier plan.
Et dans l’acte d’offrande qu’elle fait en juin de la même année, elle associe cet amour miséricordieux à « des flots de tendresse infinie ».
La miséricorde ne se résume donc pas, pour elle, au pardon de Dieu, même si cette dimension est importante. Elle a aussi trait à la douceur et à la tendresse de Dieu qui se penche sur les plus petits. Dans l’ancien testament, le mot hébreu « Rah’amim » ( רחמים ) désigne d’abord le sein maternel, puis la tendresse qui en est issue, tendresse miséricordieuse. Ce mot évoque la tendresse maternelle de Dieu pour son peuple et ses enfants, pour les petits et les pauvres. La découverte par Thérèse de la petite voie s’inspire d’ailleurs d’un passage du livre d’Isaïe (ch 66, 12-13), sur l’amour de Dieu pour son peuple, comparable à celui d’une mère pour ses enfants.
Si la petite voie ouvre, par une plus grande union à Dieu, sur une charité plus parfaite, l’homme demeure pourtant imparfait et peut encore tomber dans le péché. Mais dans ce cas, il peut recourir, avec confiance, au pardon de Dieu qui le relève. Sur ce point, Thérèse est particulièrement prolixe. Elle dit, s’inspirant, comme souvent, des enfants : « Être petit … c’est ne point se décourager de ses fautes, car les enfants tombent souvent, mais ils sont trop petits pour se faire beaucoup de mal ».
C’ est dans cet esprit que ma femme et moi nous sommes abandonnés à l’ Amour miséricordieux du Père et que nous l’avons supplié de nous donner une confiance absolue, totale, en cet Amour.
Et, depuis la mort de ma femme, je vis dans le même abandon et la même confiance.
D’ où ta réaction :
. Au nom de la miséricorde, on absout tout,
. On parle de Miséricorde, on oublie la Justice de Dieu.
. Beaucoup de grands criminels n’ont aucun remord et se croient dans leur droit.
Les violeurs n’ont souvent aucun remords, parce qu’ils méprisent les femmes qui ne sont pour eux que des objets de jouissance.
Des tortionnaires peuvent croire qu’ils le font en toute légitimité, de toute façon la vie de l’autre les indiffère, sinon pour tirer une jouissance de leur souffrance. Il expérimentent pleinement leur pouvoir sur autrui, et y trouvent satisfaction. Prenons simplement l’exemple de Breivik : vous l’avez vu exprimer du remords ? Aucun. Il est persuadé d’avoir agi pour le bien dans son idéologie de haine. Mais maintenant ce pauvre petit se plaint de ses conditions de détention, son café est trop froid, par exemple.
Je n’absous aucunement non plus les kamikazes.
On a affaire là à un vrai problème, que tu évoques sur un autre fil, André : c’est le fait de pactiser avec le Mauvais. Vouloir avoir pouvoir, domination, droit de vie et de mort sur autrui, sans considération de son individualité propre.
On parle beaucoup de la miséricorde.
Mais il ne faut pas pour autant oublier la justice.
Pour moi, un Dieu sans justice ne serait pas Dieu.
Ma réponse est, alors, la suivante :
– Au niveau de Dieu, éternel et tout puissant, alors que, pour nous elles s’ opposent, la Miséricorde et la Justice se rejoignent au-delà de notre compréhension, comme l’ Amour et la Toute-Puissance, dont certains ont dit : Dieu ne peut être Amour et Tout-Puissant, donc s’ Il est Amour, disons qu’il n’ est pas tout puissant.
– Même si je pense exactement comme toi : on ne peut pardonner aux violeurs qui ne voient dans la femme qu’ un objet de jouissance, ni aux kamikazes qui tuent en croyant bien faire, ni à Breivik qui a abattu 70 jeunes gens sans le monde remord, ni à Hitler qui massacrait six millions de Juifs en croyant faire le travail de Dieu.
J’ estime que je ne peux pas juger à la place de Dieu, que je dois lui faire confiance, m’ abandonner à Lui et savoir qu’il fera prévaloir aussi bien la Justice que la Miséricorde.
En mon fors intérieur, je ne puis imaginer qu’un être capable de telles horreurs puisse avoir réellement, au fond de lui-même,, une bonne conscience, sans entendre une petite voix intérieures.qui contredit ce qu’il dit.
Au final, je n’ absous pas au nom de la Miséricorde, je ne pense pas que ceux qui font le mal seront jugés en fonction de leur « bonne conscience » ;
Mais je fais confiance à Dieu le Père et à son Fils, Jésus le Christ
pour le faire dans la miséricorde et la justice divines.
Merci André pour cette contribution très intéressante !