Tu fais retourner l’homme à la poussière ;
tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.
Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ;
dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ;
le soir, elle est fanée, desséchée.
Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.
Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.
Psaume 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc
Textes liturgiques©AELF
Une chose me stupéfie toujours chez les catholiques, au milieu desquels j’ai été baptisée il y a bien longtemps : très peu prennent l’Ecriture au sérieux jusqu’à son terme, à savoir, le retour du Christ Jésus en Gloire, annoncé par tous les Evangiles de sa propre bouche et affirmé par l’Apocalypse, révélation accordée à Jean. Ce serait même faire preuve d’intelligence théologique que de nier l’authenticité et le caractère prophétique de ces passages bibliques.
Est-ce parce qu’un certain nombre de baptisés ne croient même pas réellement à la résurrection du Seigneur au matin de Pâques ? Personnellement, je suis toujours étonnée que ce qui devrait être la base et le commencement de la foi de tout chrétien soit aussi facilement mis en doute par ceux-là même à qui le baptême devrait donner vocation à l’annoncer aux multitudes. Au lieu de cela, on assiste à des tergiversations théologiques : le Christ ne serait-il peut-être ressuscité que symboliquement ?
Mais que fait-on de Jésus venu “dans la chair” quand on lui attribue une résurrection factice, un corps qui serait devenu un “grand Tout cosmique” ou alors un pur esprit ? Un Christ qui ne serait plus que “Tête de l’Eglise” – qu’est-ce que l’Eglise ? – et nous son Corps, mais alors, où est passé son corps humain, masculin, traversé de plaies, glorifié et plein de vie au matin de Pâques ? Où sont passées sa voix si on nous interne en psychiatrie quand on a parfois, de nos jours, dans l’oraison, la grâce de l’entendre, et sa Volonté sans cesse renouvelée si le catéchisme la fige dans une Parole donnée “une fois pour toutes” et qui ne peut plus avoir d’initiative nouvelle, même par la liberté souveraine de l’Esprit Saint ? (“La révélation est close”. Article 65 du CEC).
Le Christ auquel je crois est incarné, homme par la chair mais cependant bien différent de ses frères en humanité, puisque le péché ne l’a jamais affecté en son for interne. Il n’a été de toute sa vie terrestre qu’adéquation à la volonté du Père, et sainteté. En cela, il est unique dans toute l’histoire de l’humanité masculine, clivée intérieurement entre le bien et le mal, entre la confiance et la défiance envers Dieu. D’ailleurs, pas un homme biblique n’échappe à cette dualité de l’âme et de la chair masculines : Moïse a commis un meurtre, tout comme David, Joseph a dans son premier mouvement après l’Annonciation envisagé de répudier Marie, la pensant adultère, et tous les plus grands saints masculins ont dû se hisser hors d’un passé chahuté. Ce qu’on peut mettre en balance avec la candeur de Marie de Nazareth et de Marie de Béthanie, et, bien plus proches de nous, de jeunes femmes humbles et vertueuses de toujours comme Thérèse de Lisieux, Elisabeth de la Trinité ou encore Bernadette Soubirous.
Je défends l’idée impopulaire que la sainteté de toute une vie est accessible aux femmes, moyennant leur liberté d’obéir à Dieu sans entraves culturelles et sociales, mais qu’elle relève d’un combat intérieur bien plus ardu contre une chair contraire aux vertus chez l’homme, à l’unique exception du Christ. Paul n’exprimait pas autre chose, homme qu’il était, que cette lutte âpre contre le “vieil homme” qui sommeillait en lui comme en tous ses semblables. Et c’est faute d’entendre communément les Ecritures commentées par des femmes que nous nous sommes subrepticement laissées convaincre que nous sommes ordinairement tout aussi clivées intérieurement que nos vis-à-vis masculins. Prêchant et interprétant les Ecritures en hommes, ils ne peuvent tout simplement pas s’imaginer que c’est justement leur orgueil peccamineux qui les pousse à nous croire intrinsèquement mauvaises. Les “Pères de l’Eglise” tel Tertullien ne se gênaient pas pour nous diaboliser. Quoi qu’on dise, il en reste des traces dans l’imaginaire collectif et surtout religieux.
Ceci pour en revenir à Jésus, qui s’offre comme modèle de foi, d’humilité, d’authenticité, d’amour du prochain, d’intransigeance envers le mal, à tout baptisé et toute créature qui daigne tourner les yeux vers Lui. Le voir en croix nous émeut, nous donne compassion de Lui, nous encourage à nous montrer contrits devant Lui qui a tant souffert, et si injustement.
Est-ce la raison pour laquelle, quand on est appesanti d’une conscience inquiète ou trouble, on ne parvient pas à l’imaginer aussi en Roi de Gloire sans une pointe d’insoumission et de déni ?
Mais qui serait Dieu le Père, s’il avait consenti au sacrifice extrême de son Fils pour le laisser crucifié pour toujours entre deux larrons ? Qui serait ce Père de tendresse et de justice s’il n’avait, dès le commencement, conçu le projet de lui donner un jour puissance et royauté dans un monde totalement renouvelé ?
La résurrection du Christ Jésus devrait être le début de notre foi chrétienne, et non son aboutissement. Notre espérance ne devrait pas se cantonner égoïstement à notre propre vie éternelle, mais avant tout à l’avènement réel du Royaume de Dieu, à la Terre nouvelle sous les Cieux nouveaux, bien loin de notre monde en déshérence à cause de ce que tous les puissants de tous les temps en ont fait. Terre d’injustice et de souffrance pour beaucoup d’humains soumis à un dur labeur leur permettant à peine de vivre, d’enfants qui souffrent de la faim et de maladies pourtant facilement soignables sous nos latitudes, de fillettes que l’on interdit d’alphabétisation, de femmes que l’on tue pour un voile mal ajusté, et que dire des guerres iniques qui enflamment une partie du monde ces dernières années ?
Je le dis, la perversion de nos sociétés est irrémédiable. En cela, je ne suis pas fataliste mais profondément chrétienne : je dresse un constat désabusé, car mes valeurs sont celles de l’Evangile et que le monde tourne à rebours de cette Parole insurpassable, et oui, j’appelle de mes vœux un monde nouveau de justice et de paix, qui ne peut être qu’ailleurs, et dont le Christ sera le souverain du Royaume et des cœurs.
Il y a 2000 ans, il demeura deux jours dans les profondeurs de la terre.
A l’aube de ce troisième millénaire, je crois de toutes les fibres de mon être qu’après être demeuré deux millénaires célébré et adoré – autant que trahi – dans nos églises, il revient, souverain et glorieux.
Bientôt.
Amen, viens Seigneur Jésus !
À tes yeux, mille ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.
Image : Icone de la résurrection