Des discussions animées ont cours ces jours-ci sur un réseau social au sujet de mes prises de position sur les rapports entre la doctrine officielle de l’Eglise catholique romaine et la vérité, notamment en ce qui concerne le péché originel. Beaucoup, attachés à la doctrine de l’Eglise, en restent à l’acception habituelle de la théorie du péché originel : un couple de premiers parents, Adam et Eve, créés saints et immaculés, aurait chuté par désobéissance à Dieu, Eve ayant péché la première, et entraînant par là-même à eux deux toute l’humanité issue d’eux dans le péché. Le péché originel marquerait ainsi la femme et l’homme depuis cet événement initial, le seul remède à cette inclination naturelle des deux au péché étant la rédemption par le Christ Jésus. Les catholiques romains ajoutent à cela qu’une seule créature a été préservée du péché originel “par grâce venant déjà de son Fils” – donc avant même la conception de celui-ci – à savoir la Vierge Marie “Immaculée Conception” dès sa conception à elle aussi. Marie aurait ainsi, elle et elle seule, été préservée de l’héritage du péché originel et n’aurait en outre jamais commis le moindre péché personnel de toute sa vie. Voilà pour la doctrine.
Concernant la transmission du péché originel, en partant du constat que l’unique homme masculin à en avoir été exempt et à être demeuré toute sa vie sans aucun péché personnel, le Christ Jésus, je développe, après toute une vie d’observation, de méditation, d’écoute du Seigneur dans la prière et de réflexion sur ce sujet précis une idée nouvelle et qui fait scandale à beaucoup : ma foi étant conforme au Credo de Nicée-Constantinople, je confesse que Jésus a Dieu pour Père, qu’il est né de la Vierge Marie sans intervention d’aucun géniteur masculin terrestre. Il y a donc eu rupture en Jésus Christ de la “chaîne de transmission” du péché originel aussi bien que de la tentation du péché personnel.
Or, si on admet – et en tant que catholique romaine je le fais – que Marie était préservée du péché originel, “Immaculée Conception”, elle n’a pas pu le transmettre à Jésus. Mais personnellement, je refuse de voir là une grâce spéciale ne touchant que Marie et relevant d’une sorte de “magie” – la magie étant honnie de Dieu et Marie étant née de deux parents humains ordinaires – je développe donc l’idée que Marie n’a pas reçu de ses parents affectés eux par l’héritage du péché originel quelque chose qui l’aurait inclinée elle aussi “naturellement” au péché. Il me semble pour le moins tiré par les cheveux de dire, comme le fait la doctrine, que c’est la mort et la résurrection de son Fils Jésus, alors que Marie est à ce moment-là un amas de cellules dans le sein de sa mère Anne fécondée par son mari Joachim. Donc Jésus son Fils, né quelques quinze ans plus tard de la chair de Marie, était à mon avis bien loin de déjà pouvoir faire quoi que ce soit pour elle ici-bas…
Poursuivant mon raisonnement méditatif, je recherche quelque chose de commun entre Marie et Jésus, et quelque chose d’humain que ni elle, ni lui ne possède, que ni elle, ni lui n’ait reçu de ses parents. Et m’intéressant à la génétique et à l’obstétrique, je réfute, en ce XXIe siècle, l’idée que Jésus ait été un embryon tout complet issu de Dieu et venu s’implanter tel quel dans l’utérus de Marie. “Il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme”, oui, héritier génétiquement de Marie mais d’aucun homme, et sans péché potentiellement transmis par un homme. Alors, dans son patrimoine génétique personnel, je discerne chez Jésus comme chez n’importe quel enfant “né d’une femme” le chromosome sexuel X commun à absolument toute l’humanité, homme ou femme. Et de son Père Dieu lui-même, qu’aurait-il reçu ? Un chromosome sexuel Y ? Dieu serait donc masculin ? Ce n’est pas ce que nous disent les Ecritures, car s’il est indubitablement Père, il possède aussi “des entrailles maternelles” dans lesquelles il a porté la préfiguration du Verbe et qui frémissent maternellement pour chacune de ses créatures.
Dans le Livre de l’Apocalypse, Dieu est ainsi défini : “Je suis l’Alpha et l’Oméga” (Apocalypse 22, 13).
Et par voie de conséquence, j’avance que le Père aurait donné à son Fils Jésus quelque chose qui le distingue de tous ses frères en humanité, qui le rende pur de tout péché, qui signe sa filiation divine, qui lui donne cette puissance de guérison et de résurrection qui a marqué son incarnation : un autre chromosome, venu du Père, de son Père à lui, unique dans toute l’histoire de l’humanité, un chromosome sexuel Oméga pour compléter son patrimoine génétique. Jésus serait donc non pas XY comme le commun des hommes, mais XΩ. Voilà ce que je crois.
Et de là, la conviction très forte que le chromosome sexuel Y soit quant à lui le véritable vecteur du péché originel, celui que porte tout homme mâle à l’exclusion du Christ Jésus, celui que ne porte aucune femme en ce monde.
Alors on me reproche d’insinuer que les femmes soient incapables de pécher, ce qui n’est pas ce que je dis. Car bien évidemment nous péchons nous aussi. Mais pas de la même manière, et en général pas dans les mêmes proportions.
Ce que je pense, en fait, c’est que le péché pour les femmes est acquis, c’est à dire induit par tentation, soit qu’elles y soient incitées par autrui voire le démon lui-même – une sorte de péché par “imitation” – soit par le désir de plaire à une créature, auquel cas ce désir se substitue à leur désir originel de plaire et d’obéir à Dieu avant tout – exemple d’Eve trompée par le serpent puis péchant à cause de lui, en ayant en outre le souci de plaire à Adam en partageant avec lui la transgression.
Alors qu’à mon sens, le péché, dans les hommes masculins à l’exception du Christ Jésus, est inné. Adam, à aucun moment, ne fait référence au commandement de Dieu, il transgresse tout à fait spontanément l’interdit dès qu’il en a l’occasion. Tout comme Caïn qui tue son frère par jalousie, et toute la Bible regorge ensuite d’exemples de transgressions masculines inhérentes à cette condition d’homme intrinsèquement pécheur. Les commandements bibliques puis le Christ venant pour inciter l’homme à se surpasser en luttant contre sa tendance interne, génétique même, au péché – le fameux “vieil homme” dont parle l’Apôtre Paul.
Marie est l’exemple de la femme qui demeure dans sa condition originelle d’inclination à l’obéissance à Dieu en ne cherchant que sa Volonté à Lui. Pas du tout parce qu’elle serait différente d’une autre femme génétiquement ou “par grâce”, non, c’est seulement qu’elle a affaire à un ange et pas au démon comme Eve, et qu’il n’y a pas d’homme présent à l’Annonciation pour la détourner de son désir inné d’obéir à Dieu et à Dieu seul.
Elle est déjà fiancée mais elle pose un choix : le risque de déplaire à Joseph et d’être répudiée dans sa condition de fiancée enceinte, et non de lui. Elle préfère la volonté de Dieu à celle d’un homme. Et d’ailleurs le premier mouvement de Joseph, en apprenant qu’elle est enceinte, est de la soupçonner d’adultère et de vouloir la répudier – défiance innée en la volonté divine qui déteint chez Joseph en doute quant à Marie. Joseph est prêt à pécher, puis se ravise après un songe de Dieu l’avertissant de la vertu de Marie. Mais cela n’aura pas été son mouvement premier. Alors que pour Marie, oui.
Et j’affirme que de très nombreuses jeunes filles, dans la même situation, auraient agi comme elle. L’immaculée conception n’est donc pas le privilège exclusif de Marie. Elle est la condition de toutes les femmes, absolument toutes, qui ont à leur portée d’éviter le péché personnel en suivant leur inclination naturelle et première à faire la Volonté de Dieu, c’est à dire le bien, et non le mal par tentation ou contagion de leur entourage pécheur. Nous avons bien des exemples de saintes, à travers les âges, qui n’ont pas eu besoin de conversion pour aimer Dieu de toute leur âme et éviter autant que possible de sombrer dans le péché.
Image : Adam et Eve au paradis Rubens XVIe